Exposition du 26 novembre au 21 décembre 2002 au 10, rue Notre-Dame de Lorette 75009 Paris
Mystères de la présence
Rien de violent, au premier abord, dans la peinture de Dominique Trémois-Chazot, rien qui pèse ou qui pose. Des êtres simples, fleurs, femmes, oiseaux, des natures mortes paisibles donnent une première impression d’unité et de douceur. La sensation se diffuse à travers un trait sans raideur, des couleurs en sourdine, des verts et des ocres, des violines et des gris, des bleutés et des rouges sombres. Et, pourtant, de l’ensemble se dégage une force.
Cette force vient avant tout de la lumière. Chaque sujet semble émerger comme une évidence et s’imposer au regard avec une assurance lente et mûre. Les touches de blanc mat, d’une luminosité rare, qui, parfois, ont la légèreté du pétale et, parfois, la densité crayeuse de la pierre propulsent les toiles vers celui qui les contemple. Les blancs absorbent la lumière sans la faire crier, la retiennent et la dilatent tout ensemble. A la luminosité s’ajoute une temporalité propre, comme si le sujet naissait dans le temps de la contemplation, triomphant de la matière brute qui l’environne et de l’imprécision vibrante des fonds. Chaque tableau a la puissance discrète d’un avènement.
Mais sans doute cette force vient-elle de plus loin : au-delà de ce qu’elles représentent, ces œuvres paraissent receler, pour le spectateur vigilant, une question ou, plus exactement, une attente : attente faite de disponibilité et de sensibilité, à la fois fragile de ses doutes et solide de sa constance. Se livrant au regard pour lui faire part d’autre chose, la femme ou la fleur pas vraiment ne rêve, pas vraiment ne pense, mais, tout ensemble, se dévoile, espère, sûre d’un incommunicable et désireuse d’une révélation.
Où se trouve la révélation ? Est-elle immanente, dans l’énigme qui s’échappe de la présence ? Est-elle transcendante et inaccessible comme pour cet oiseau qui s’offre à la toute-puissance d’un soleil masqué ? La lumière, dans ces œuvres, est tout à la fois omniprésente et diffuse ; elle émane des êtres et des choses, mais ne les écrase jamais de son éclat. Plus qu’une réponse, ces toiles témoignent d’une tentative pour capter le mystère de l’évidence, de la vie si proche et pourtant insaisissable. Elles ont un cheminement : cheminement de la ligne et de la couleur à travers la brutalité de la matière, cheminement de la clarté à travers l’opacité de la présence, cheminement d’une âme vers une révélation qui se refuse.
Et de cette peinture émane quelque chose qui, peu à peu, nous pénètre étrangement, qui nous donne à voir non pas ce que nous cherchons, mais la puissance voilée de notre propre désir de lumière.
Isabelle Reynaud